Kader Camara

Kader Camara

Transparence et bonne gouvernance

«Les institutions sont la garantie du gouvernement d'un peuple libre contre la corruption des mœurs, et la garantie du peuple et du citoyen contre la corruption du gouvernement.»
Saint-Just




A la faveur de l'alternance survenue en 2000, nous avons assisté à l'éclosion d'un nouveau vocabulaire dans la landerneau politique sénégalais. En effet, c'est avec beaucoup d'espoir qu'on a entendu parlé d'audit, de transparence, de lutte contre la corruption, etc. Mais quelle ne fût pas notre déception en voyant que ces outils de surveillance et de bonne gouvernance ont été utilisés de façon tendancieuse tantôt pour éliminer des adversaires politiques trop gênants, tantôt  pour les faire "transhumer" vers son camp. Plus récemment, nous avons assisté aux discussions sur l'opportunité d'auditer l'ANOCI (
Agence Nationale de l'Organisation de la Conférence Islamique) ou les travaux de l'autoroute à péage.

Tout ceci devrait nous convaincre, si ce n'est déjà fait, que nous avons besoin d'institutions fortes, qui garantissent la transparence. En mon sens, les audits, en tant qu'outils de gestion et de contrôle, devraient être intégrés dans les moeurs des administrations et entreprises publiques. Les services de la présidence, les ministères, les mairies et les organisations publiques et parapubliques devraient s'attendre à être auditer à tout moment sans que cela ne soit considéré comme un règlement de compte ou un chantage déguisé.

Au delà des audits, qui sont un outil de gestion, il faudrait créer un cadre institutionnel et légal solide, de sorte que la bonne gouvernance ne dépende pas de la volonté du président ou de l'équipe dirigeante car les dirigeants passent et les institutions restent. Restaurer la confiance des citoyens envers la classe politique est très importante. Mais comment pourrait-on restaurer la confiance chez les électeurs-contribuables si l'opacité est érigée en règle ? La transparence est donc un des moyens de rétablir cette confiance.

Comme je l'ai dit plus haut les audits sont un outil de gestion et de contrôle mais pour qu'ils soient efficaces et équitables ils doivent s'inscrire dans le cadre plus large de la transparence et de l'instauration de pratiques saines. Se focaliser sur les audits en ignorants les autres aspects de gestion et de contrôle, c'est comme conduire une voiture avec le niveau de carburant comme seul indicateur sur le tableau de bord. Connaître le niveau de carburant est certes important mais si en même temps on ignore à quelle vitesse on roule, le niveau d'huile moteur, l'état du moteur, etc. on risque de ne pas aller très loin.

J'aurais quelques suggestions à faire à nos dirigeants pour espérer bâtir des institutions solides et crédibles et restaurer la confiance des citoyens. Ces suggestions concernent principalement la transparence et la bonne gouvernance. Tout d'abord les comptes publics doivent être ouverts et accessibles. Tous les citoyens doivent savoir comment leurs impôts et taxes sont dépensés, comment les dettes léguées aux prochaines générations sont investies. Pour cela, il faut que les mentalités changent, surtout du côté des dirigeants. Que le fait de devoir rendre des comptes soit normal et même naturel chez eux.

Je suggère que les citoyens puissent avoir accès aux bulletins de salaires de tous les élus, à leurs notes de frais. Il faut que le citoyen-contribuable puisse savoir comment est dépensé chaque franc que l'État est supposé gérer en son nom. Il faut que toute personne qui le souhaite puisse savoir comment les marchés publics sont attribués. Je ne parle pas juste des journalistes ou des opposants, mais bien de n'importe quel citoyen qui le souhaite.

Cette possibilité existe dans plusieurs pays. La France, par exemple, l'applique de façon très minimaliste avec sa Commission d'accès aux documents administratifs, à l'autre extrême la Suède adopte une approche plus radicale qui permet à tout citoyen d'avoir le bulletin de salaire, les notes des frais et même la correspondance officielle d'un ministre sur simple demande. Est-il alors étonnant que ce pays caracole en tête du classement de Transparency International concernant l'IPC (Indice de Perception de la Corruption) ? Entre ces deux exemples on trouve des pays comme les États-Unis avec un ensemble de lois au nom évocateur de "Sunshine Laws", ou encore la Canada avec sa Loi d'accès a l'information.

Quand on se présente devant le peuple pour se faire élire au nom de "l'intérêt supérieur de la nation" comme ils aiment si bien le dire, on devrait accepter de bonne grâce de se soumettre, non seulement aux audits, mais aussi une déclaration de patrimoine au début de leur fonction ainsi qu'à la fin. C'est le minimum auquel une personne qui souhaite prendre part à la gestion du patrimoine national devrait se soumettre.

Le jour où les députés, de leur propre initiative, voteront ce genre de loi et se l'appliqueront à eux-même, pour commencer, ils gagneront l'estime et le respect du peuple sénégalais. Pour l'instant leurs priorités semblent être ailleurs, comme réduire le mandat du président de l'assemblée nationale de cinq à un an. Il faudrait peut-être que les électeurs les rappellent à l'ordre.





28/09/2008
4 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres